Kerry James Marshall, Black Artist (Studio View), 2002
La précarité est la condition que plusieurs nouveaux mouvements sociaux combattent. De tels mouvements ne tentent pas de dépasser l’interdépendance ni même la vulnérabilité quand ils combattent la précarité; ils tentent plutôt de produire les conditions dans lesquelles la vulnérabilité et l’interdépendance deviendront vivables. Il s’agit d’une politique dans laquelle l’action performative prend des formes incarnées et plurielles en attirant l’attention critique sur les conditions de survie corporelles et du bien-être dans le cadre d’une démocratie radicale. Si je dois vivre une vie bonne, ce sera une vie bonne vécue avec les autres, une vie qui ne serait pas une vie sans ces autres. Je ne perdrai pas ce moi que je suis ; qui que je sois, mon moi sera transformé par mes relations avec les autres, puisque ma dépendance à l’égard de l’autre, est l’essence même de cette dépendance sont nécessaires pour vivre et vivre bien. Notre exposition commune à la précarité constitue le terrain partagé d’une égalité potentielle et nos obligations réciproques de produire ensemble des conditions de vie vivables. En reconnaissant le besoin que nous avons les uns des autres, nous reconnaissons tout aussi bien les principes de base qui informent les conditions sociales, démocratiques de ce que nous pourrions continuer à appeler la "vie bonne". Ce sont les conditions critiques de la vie démocratique, au sens où elles appartiennent bien à la crise en cours mais aussi au sens où elles appartiennent à une forme de pensée et d’action qui répond aux urgences de notre temps.
Judith Butler, Qu'est-ce qu'une vie bonne?, Manuels Payot, 2014.
Interview with Ladypoints
#FilmmakerFriday | Frances Bodomo
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I’m currently working on my first feature film, based on my short film Afronauts (which premiered at Sundance and the Berlinale in 2014). It’s about a group of Zambians who, in the 1960s, attempted to make it to the moon in spite of their lack of access to the cutting-edge technology of the time.
I’m really proud of the short film because it’s the film that taught me artistic perseverance. It was really hard on my collaborators and myself to create a hot summer desert on a cold beach in New Jersey! We walked away from the shoot with barely enough to stitch a film together. Editing took months & included a lot of pensive breaks. My editor, the uber-talented Sara Shaw, and I went down many crazy paths to come to the one we picture-locked on. We were so sure and so unsure. We sent it out into the world knowing we had stuck to our guns, but not knowing what it would be in the eyes of others. It’s been an exhilarating, surprising ride ever since.
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Image extraite du film Pumzi de Wanuri Kahiu, 2009
(Article initialement paru le 18 septembre 2012 dans Gaite Live, le magazine de la Gaité lyrique).
Bristol, juin 2012, pour la première fois un centre d’art conçoit une exposition centrée sur les liens entre Afrique et science-fiction et tente de comprendre de quoi ces nouvelles affinités sont le nom.
En 2009, Neill Blomkamp, réalisateur d’origine sud-africaine, petit prodige de la culture digitale et « protégé » de Peter Jackson (le père de la trilogie Le Seigneur des Anneaux), choisit de revenir sur la terre de son enfance, plus précisément à Chiawelo, un des quartiers pauvres du district de Soweto (Johannesburg), pour tourner son premier long métrage. Mêlant habilement les esthétiques du reportage de guerre, du documentaire télé et de la science-fiction, il réalise le film qui, par son succès planétaire, va marquer l’entrée « officielle » de l’Afrique dans l’univers de la science-fiction : District 9.
Il faut sûrement attribuer à District 9 l’attention dont l’Afrique fait aujourd’hui l’objet auprès des cercles d’amateurs de science-fiction. Mais comme tous les phénomènes médiatiques, il a aussi eu comme effet d’occulter la diversité des formes qu’a pu prendre l’émergence de l’Afrique dans cet univers. En témoigne l’exposition « Super power: Africa in Science Fiction » concoctée par le très expérimental centre d’art Arnolfini à Bristol.
Pour les deux commissaires, Al Cameron et Nav Haq, il s’agissait « d’analyser la tendance récente chez certains artistes, basés en Europe ou en Afrique, à prendre le continent comme élément narratif et/ou esthétique d’une fiction spéculative ». L’exposition était enrichie d’une programmation de films, rencontres, débats, conférences qui ouvraient sur les formes multiples et les interprétations complexes d’un mouvement qui en réalité est bien antérieur au film de Neill Blomkamp.
Vue depuis la science-fiction, l’Afrique aurait-elle pour rôle de catalyser les zones d’incertitudes et de turbulences qui naissent entre techno-science, mythologie et imaginaire?
L’anthropologue Louis-Vincent Thomas a mis en évidence que la science-fiction, dans ses fonctions critiques et descriptives, « pourrait bien être la sociologie imaginaire de notre présent ». En effet, à l’heure où les technologies les plus sophistiquées s’élaborent dans les laboratoires des départements de la Défense, la SF semble moins dévolue à imaginer le futur qu’à documenter le réel d’une époque marquée par des mutations d’une amplitude sans précédent. Issue d’une civilisation occidentale qui voit ses idéaux d’omnipotence s’effondrer, la SF aurait-elle besoin de l’Afrique, figure de l’altérité absolue, pour stigmatiser les zones d’incertitudes et de turbulences qui naissent entre techno-science, mythologie et imaginaire?
En 2050, l’Afrique comptera près de 2 milliards d'habitants. La pauvreté et la violence potentielle qui l’accompagne n’aura pas disparu. Concentrée dans les villes et leurs périphéries devenues gigantesques et impossibles à cartographier, elle nourrit les craintes des départements de la Défense américains qui voient dans l’urbanisation du « Tiers monde » « le champ de bataille du futur ». Ainsi dans Tetra Vaal (2004), un des deux courts métrages de Neil Blomkamp présentés dans l’exposition, le robot policier qui se déploie dans le Township emprunte largement au dispositif MOUT (Military Operations on Urbanized Terrain) conçu par le Pentagone pour contrôler les guérillas et la criminalité urbaines et dont certains développements ont été testés à Sadr City, Tijuana et à São Paolo.
Et si District 9 fait référence explicite à l’histoire de l’apartheid avec l’épisode de District 6 et ses spectres, le film met aussi en jeu la puissance médiatique de la fabrique de l’information et sa tendance à construire une image de l’Afrique, irrémédiablement enfermée dans ses tragédies : apartheid, misère, criminalité, xénophobie meurtrière, brutalité policière, expérimentations militaires et biométriques.
« L'actuelle crise mondiale montre que l’Ouest arrive à un point de saturation... Aujourd’hui, l’Afrique est encore endormie, mais elle ne tardera plus à se réveiller et le monde s'en verra transformé au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. »
Le projet post-moderne de la science-fiction pourrait aussi être celui de produire de nouvelles visibilités.
Avec ses taux de croissance positifs, ses ressources premières stratégiques, et une population majoritairement jeune, l’Afrique dispose d’atouts porteurs d’une dynamique interne qui font d’elle le continent du futur. Pour Jonathan Dotse, blogger cyberpunk ghanéen,«l’Afrique est la frontière finale. Tous les autres continents ont joué un rôle majeur dans le profilage du monde moderne, à l’exception de l’Afrique dont le potentiel économique, culturel et intellectuel reste majoritairement inexploité. » Contrairement à une idée reçue, le continent n’est pas resté à l’écart de la révolution technologique, scientifique et médiatique. A l’instar de Spoek Mathambo, Neill Blomkamp, Nnedi Okorafor, Lauren Beukes, (les noms qui émergent quand on parle de science-fiction en Afrique), Jonathan Dotse a grandi avec la télévision et les outils technologiques. Dans un article intitulé « Developing Worlds: Beyond the Frontiers of Science Fiction », témoignage sensible et Manifeste pour une science-fiction des marges, il décrit ses premiers émois devant la découverte du genre : « Imaginez un petit africain écarquillant les yeux sur les images granuleuses d’un vieux poste de télévision réglé sur un canal VHF, un enfant qui découvre pour la première fois les images et les sons d'un monde merveilleusement étrange, au-delà des limites de la ville. C'est un de mes plus anciens souvenirs; j’ai grandi au milieu des années 1990, dans un petit immeuble tranquille de Maamobi, une enclave de la banlieue de Nima, un des bidonvilles notoires d’Accra. Mis à part la Société de diffusion gérée par l’Etat, il n’y avait à l'époque que deux autres chaînes dans tout le pays et ma famille n’avait absolument pas les moyens de s’abonner à la télévision par satellite. Néanmoins, à l'occasion, toutes sortes de programmes intéressants venus du monde entier passaient par ces chaînes publiques. C’est ainsi que j'ai rencontré la science-fiction, non pas à travers les ouvrages de grands auteurs, mais à partir d'approximations distillées de leurs grandes visions. »
Et de conclure : « Que se passe-t-il quand la jeunesse du tiers-monde a accès à des technologies qui étaient pratiquement inimaginables il y a quelques années ? Qu'advient-il si cette tendance se poursuit, disons, encore cinquante ans ? Qui est censé répondre à ces questions ? Les écrivains de science-fiction, bien sûr! »
De ces « recoins oubliés de la planète » émerge un nouveau genre dans lequel le local compose avec les codes de l’ultra modernité globalisée, la magie avec la haute technologie.
Si District 9 ou Pumzi s’inscrivent résolument dans la tradition du film d’anticipation, les productions africaines de science-fiction tentent aussi de marquer leur spécificité, notamment en se réappropriant la culture du rapport au surnaturel et au savoir magique. « Zoo City » de l’écrivaine Lauren Beukes, en est l'exemple le plus médiatisé. Edité en juin 2010, ll a obtenu l’année suivante le prestigieux prix Britannique Arthur C. Clarke du meilleur roman de Science fiction.
L’auteure se sert de la spécificité de Johannesburg, vue de Hillbrow, le quartier réputé le plus dangereux de la mégalopole, pour construire une fantasy urbaine chaotique, schizophrène et hallucinée. Sans complexes se côtoient les usages des technologies numériques et du savoir mystique dans une société qui réinvente son rapport à la nature en attribuant aux criminels (plus nombreux qu’on ne le pense) un animal symbiotique conférant à son maitre un pouvoir magique.
Autre exemple : Les Saignantes, du réalisateur camerounais Jean-Pierre Bekolo (2005). Dans le film le mevungu (association secrète de femmes qui pratiquent un rite purificateur des vols et adultères) est régulièrement évoqué par une discrète voix off féminine.
Comme l’esquissent les deux commissaires de l’exposition, ne serait-ce pas l’Afrique qui serait la grande gagnante de ces emprunts à la science-fiction? Enfin libre de dessiner les contours de sa propre modernité, elle aurait trouvé dans la science-fiction, ce nouvel «espace autre» défini par Michel Foucault, une hétérotopie dont la fonction serait d’être un formidable réservoir d’imaginaire pour élaborer son futur.
Oulimata Gueye
via adacreate 11 May 2014 - 12 May 2014 / “Global Black Consciousness” Hôtel Sokhamon, Dakar, Senegal
The Institute for Comparative Modernities (Cornell University) and the Institute of African American Affairs (New York University) will hold the international conference “Global Black Consciousness” on May 11 and 12, 2014, in Dakar, Senegal. The conference is coordinated by Margo Natalie Crawford and Salah Hassan (Cornell University) and Manthia Diawara (NYU). The conference will coincide with the opening days of the Dakar Biennale (Dak’Art 2014), which opens on May 9, 2014. The two-day gathering will focus on the theme of “Global Black Consciousness,” with invited participants who will present new and unpublished work.
THEME/CONCEPT:
Now that we have such tremendous scholarship on particular identities shaped by the African diaspora (Afro-German, Black British, African American, Afro-Latina/o, Afro-Caribbean, and many more) and tremendous theories of the value and limits of Pan-Africanism, Afro-pessimism, and many other “isms,” how do we create a space for the critical and nuanced analysis of global black consciousness as both a citing of diasporic flows and a grounded site of decolonizing movement? This multi-event and multi-site conference aims to explore the confluence between theories of diaspora and theories of decolonization. Moreover, the crisscrossing of visual art, literature, film, and other cultural productions will be explored alongside the crosscurrent that shaped the transnational flow of black consciousness. The scholars participating in this conference will situate their work in the space of the crisscrossing that occurred as the Black freedom struggle became a layering of locations and dislocations and past, present, and future.
The 1960s and 70s will be the pivot point as we think about the precursors and legacies of the 1960s and 70s black freedom struggles. From May 9 to June 8, 2014, Dak’Art, la Biennale de l’Art Africain Contemporain, will be held in Dakar. The theme and the occasion allow to revisit major Black and Pan-African intellectual movements and festivals (such as the Dakar’s Festival of World Negro Arts of 1966, Algiers of 1969, and FESTAC 1977 in Lagos, Nigeria, among others) in addition to revisiting individual artistic and intellectual work tied to Africa and the African Diaspora.
The conference’s papers will be published in a co-edited volume entitled Global Black Consciousness.
Fulani Boys, Jos, Nigeria in the early 90’s by Mike Blyth
Mimi Cherono Ng’ok, Untitled (White Horse on a Beach), 2014
Bien qu'elle en ait publié d'autres auparavant, le roman de l'écrivaine américano-nigeriane Nnedi Okorafor sorti en 2010 qui a reçu le prix World Fantasy Award en 2011 "Who Fears Death", est régulièrement cité comme une référence dans la littérature de science-fiction africaine. C'est une très bonne nouvelle qu'il soit maintenant disponible en français grâce au label Eclipse.
Nnedi Okorafor qui revendique sa double appartenance et fait du Nigeria sa "muse", a trouvé dans la science-fiction et la fantasy le genre parfait pour déconstruire les dichotomies tradition/modernité, science/magie ou encore rationalité/superstitions.
Le label Eclipse qui maintenant fait partie de la maison d'édition Panini Books a également édité en 2011 la version en français de "Zoo City" de la sud-africaine Lauren Beukes.
Quelques liens :
une interview traduite en français de Nnedi Okorafor : http://tinyurl.com/nzqsef8
Et une critique du roman : http://tinyurl.com/q9vssph
Sept 2. #64bitsandmalachite
Lagos Photo Festival 5th Edition ‘Staging Reality, Documenting Fiction’ October 25 - November 26, 2014
http://www.lagosphotofestival.com
« J'appelle Chaos-monde le choc actuel de tant de cultures qui s'embrasent, se repoussent, disparaissent, subsistent pourtant, s'endorment ou se transforment, lentement ou à vitesse foudroyante : ces éclats, ces éclatements dont nous n'avons pas commencé de saisir le principe ni l'économie et dont nous ne pouvons pas prévoir l'emportement. Le Tout-Monde, qui est totalisant, n'est pas (pour nous) total. Et j'appelle Poétique de la Relation ce possible de l'imaginaire qui nous porte à concevoir la globalité insaisissable d’un tel chaos-monde. »
Edouard Glissant. Traité du Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1997.
"Of whom and of what are we contemporaries? And, first and foremost, what does it mean to be contemporary?" Giorgio Agamben, Qu’est-ce que le contemporain?, Paris, Rivages, 2008. Photo: Icarus 13, Kiluanji Kia Henda
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